Formation de formateurs en impro

J’ai pu suivre il y a quelques temps une formation de formateurs en improvisation théâtrale, et il serait difficile de ne pas en parler ici. Ce billet est un retour très personnel et subjectif sur mon expérience (pas de références scientifiques, une fois n’est pas coutume).

Deux légendes aux commandes

Sur le contexte, cette formation est animée par Jean-Baptiste « JiBé » Chauvin et Alain « Papy » Degois via Improforma, leur organisme de formation. Donc du sérieux, avec des gens qui font de l’improvisation depuis ma naissance.

Sur la dizaine de participants, que des formateurs déjà rodés, qui animent des ateliers depuis plusieurs années, et qui aiment partager. Pour animer les animateur, former les formateurs, accompagner les accompagnateurs, un duo évidemment très au point sur l’impro, et aussi en pédagogie…et en psychologie ! On parle beaucoup de renforcement positif, comme pendant mes cours de psychologie du comportement avec les 3ème années, et il y a des grilles d’observation, comme on peut en avoir en recherche ou en clinique. Et l’écoute est au centre, évidemment.

Nous sommes encouragés à préparer un atelier, par binôme, sur le thème de notre choix. Cela a donné des exercices tous très intéressants, disséqués et discutés. Une sorte de méta-pédagogie, Inception de la formation. Plus tard discuté en vidéo, de la méta-méta-pédagogie !

Sur la pédagogie justement, le duo alterne les rôles, tantôt actif, tantôt en retrait pour commenter et questionner plus en profondeur, suspendant le temps, les échanges qui viennent d’avoir lieu. Pour ceux qui animent des formations, en impro ou pour d’autres choses, l’animation en solo ou en duo est un sujet qui revient régulièrement. Après ce parcours, difficile de trouver des arguments pour ne pas s’y mettre en duo. D’autant plus que les deux violons complices de 30 ans jouent parfaitement leur partition, sans faute de confusion, ni de manque d’écoute.

J’étais venu faire une formation d’impro, j’ai pris une leçon de vie

Le mot qui revient le plus en fin de formation est « bienveillance », tant les formateurs savent accompagner, sans heurts, avec passion, ce petit groupe d’inconnus qui se reformera la première occasion venue. Car au-delà des formateurs, un groupe plein de passionnés, prêts à changer le monde avec des ateliers d’improvisation théâtrale, est venu suivre cette formation. Des quatre coins de la France, avec une culture commune de l’impro, une envie de progresser, une passion incroyable à faire passer…bref, des pédagogues comme on les aime. Des Keith Johnstone à la française, inventifs et guidés par la seule flamme de la transmission des valeurs de l’impro : écoute, partage, créativité…

J’en suis parti profondément ému, un peu comme quand on quitte ses camarades de promo une fois le diplôme obtenu. Et avec cette formule, issue des premiers pas du Couchsurfing, en tête : « rendre le monde meilleur, un atelier d’impro à la fois… »

Pour avoir une idée plus précise du contenu de la formation, et un extrait de la finale du Trophée Culture et Diversité qui terminait ces moments d’improvisation, cliquez sur la vidéo ci-dessous.


 

A propos des liens entre improvisation et psychologie, j’ai eu la chance d’être interviewé par JiBé Chauvin.


Ce billet est une capsule temporelle. Dans quelques années, ces mots seront peut-être le souvenir du début d’une aventure personnelle et professionnelle, ou peut-être un doux rêve éteint. Quoiqu’il en soit, j’aurais essayé, dit « oui, et… »

Cum hoc sed non propter hoc (bordel !)

Domino_CascadeSi vous avez suivi des études scientifiques, vous avez entendu 100 fois « corrélation-n-est-pas-causalité ». Sinon, voici mon sophisme préféré. Depuis le début du 21ème siècle, la température globale de notre planète augmente (phénomène A). Dans le même temps, ma calvitie progresse (phénomène B). C’est donc ma calvitie qui entraîne le réchauffement climatique ! Ou le réchauffement qui me rend chauve ? Ou un autre phénomène qui explique les deux ? Ou plus probablement, cela n’est qu’une coïncidence.

Plusieurs sites (ici ou ) pourront parfaitement expliquer ce sophisme, notamment la vidéo suivante tirée d’une chaîne Youtube qui se lance et qui semble prometteuse.

Mais attention ! Une corrélation entre deux phénomènes peut aussi vouloir dire…qu’il n’y a pas de rapport. C’est ce que montre l’excellent site de Tyler Vigen, qui s’amuse à montrer l’existence de corrélations entre deux phénomènes qui n’ont pas grand chose à voir, comme l’importation d’huile de Norvège vers les Etats-Unis et les automobilistes tués dans une collision avec un train. Ici, difficile de voir un seul facteur confondant, ou même plusieurs, expliquer ce lien statistique. chart

Pour finir, si vous entendez « Cum hoc ergo propter hoc » ou « Post hoc, ergo propter hoc », vous pourrez donc répondre « Cum hoc sed non propter hoc (bordel !) ».

 

Que fait un prix Nobel quand il s’intéresse à la pédagogie ?

Pratique_d'une_saignée« Une bonne saignée, et ça ira mieux ! », disaient les plus brillants esprits scientifiques et médicaux du monde entier pendant quelques deux millénaires. Et comme « On-A-Toujours-Fait-Comme-Ça », pourquoi changer ? Peut-être car c’est totalement inefficace ?

Cela semble tellement loin, et chacun de nous derrière son écran se sent immunisé contre ce type de raisonnement ou biais cognitif. Si nous suivons la démarche de Carl Wieman, prix Nobel de physique en 2001,  les cours magistraux (lectures dans la langue de Shakespeare), sont l’équivalent pédagogique de la saignée : on a toujours fait comme ça, et cela marche…dans certains cas. Parfaitement décrit dans un article publié sur le site NPR, relayé par le brillant neuroscientifique Renaud La Joie, nous reprenons les principaux éléments ici pour le lecteur francophone.

Le Professeur Wieman fait des cours magistraux old school, où il déverse son savoir sur les étudiants (On-A-Toujours-Fait-Comme-Ça). En testant les étudiants à la fin grâce aux  boîtiers de réponse de son université pour faire des tests 20 minutes après la présentation des notions, il constate un taux de réponse correct de 10%…soit 9 étudiants sur 10 qui n’imprimaient rien (ce calcul a été fait de tête) ! Comme Carl est un scientifique sérieux, quand quelque chose ne marche pas, il cherche mieux. Et découvre la pédagogie active, pas comme une recette ou une croyance miraculeuse, mais en se basant sur des articles scientifiques (ici et pour exemples).

Dès lors, après une rapide information théorique, Carl Wieman donne un problème à résoudre en petit groupe. Cela marche bien mieux (50% de réussite en plus au test). Il en arrive à dire que c’est contre l’éthique d’enseigner façon old school, en professeur magistral qui déverse sa connaissance sur des étudiants passifs.

Plus qu’un problème de budget (les formations ne sont pas parmi les plus onéreuses) ou la volonté de nombre d’enseignants d’améliorer leur pratique, c’est un problème d’habitude pour sortir du paradigme prof qui parle / étudiants qui écoutent. Et d’ignorance des méthodes efficaces. Depuis le réveil de Carl Wieman (prix Nobel), l’Université de Stanford (une des plus prestigieuses au monde), a introduit la pédagogie active dans des cours de mathématiques et de physique (disciplines sérieuses s’il en est). Pour répondre à la question initiale, on dira : il trouve des solutions efficaces et les applique. Et arrête les saignées.

Bienvenue

Ce site permet de diffuser et échanger autour de la pédagogie, la psychologie et IMPROFPSY logol’improvisation. Des domaines qui peuvent sembler différents au premier abord, mais en réalité  fortement complémentaires et imbriqués les uns dans les autres.

Le ton est parfois léger, le second degré souvent employé et les sources toujours citées car sérieux, plaisir et efficacité ne sont pas incompatibles, bien au contraire.

 

Les commentaires sont les bienvenus 🙂