Règles basiques pour l’épistolarité académique

Dire bonjour, cela paraît évident…

…et comme tout ce qui va sans dire, ça va mieux en le disant. S’il est nécessaire de le repréciser, cette première phrase annonce une négation immédiate puisque tout le monde, étudiant ou non, n’a pas cette présence d’esprit.

A force de répéter les mêmes choses à plusieurs reprises, j’ai compilé quelques observations ici et les présente ici. Voici quelques erreurs relevées dans les différents messages, complétées de quelques exemples antérieurs, qui pourront servir de « liste des choses à ne pas faire » et surtout les choses à faire aux futurs étudiants passant par ici :

  • Pourquoi ce message ? les courriels ont l’immense avantage d’avoir une zone « objet », servez-vous en…efficacement. Dites simplement pourquoi vous écrivez en quelques mots clefs. Exit les longues phrases, les messages sans objets (risque de partir en spam) ou les titres trop générique (L1).
  • L’adresse mail : préférez une adresse simple et claire plutôt que des adresses ou fournisseurs d’accès fantaisistes. Avant même d’ouvrir le message, pensez-vous qu’on accorde plus de crédit à « kevinbogossdu80@kikoolol.fr » ou « kevin.durand@gmail.com » ? Au-delà de l’université, pour les demandes de stage ou d’emploi par la suite, autant faire les choses correctement dès le départ. Faute de partir avec un avantage, cela évite de partie pas avec un handicap.
  • Bonjour : comme indiqué plus haut, ça paraît évident. Pourtant, dans un tiers des cas, aucune accroche de ce type n’est présente au début du mail. Là aussi, évitez les « Salut » et autres formules familières.
  • Formule de politesse : Entre les salutations distinguées qu’on nous prie d’agréer et un « bisou » se situe le cordialement. C’est la formule Fort Boyard. Je l’utilise par défaut, pour les étudiants comme les professeurs.
  • Les fichiers joints : quel bonheur de recevoir un fichier nommé « McFly_Marty_L1_methodoexpe.doc ».  Pourtant, bien souvent, je reçois des fichiers « devoir.doc », « présentation.ppt » ou « mémoire.doc ». Ceci n’est évidemment pas l’idéal pour savoir qui envoie et le contenu. Lorsqu’on envoie un fichier à quelqu’un, le renommer pour que le destinataire sache directement de quoi il retourne est une bonne idée. Surtout pour des étudiants connaissant la théorie de l’esprit. A titre d’information, je dois recevoir environ 1500 fichiers devoir, présentation ou mémoire dans l’année. Un nom complet et un numéro de version sont un vrai plus.
  • Who’s who : si l’adresse mail n’est pas toujours claire, une signature est la bienvenue. Particulièrement lorsque les demandes sont aussi précises que « on m’a dit que vous seriez présent à la prochaine séance, est-ce vrai ? ». Si je n’avais qu’un seul cours dans l’année, je pourrais répondre.
  • Excusez-moi de vous déranger : trop de politesse tue la politesse. Je consulte ma messagerie volontairement, donc inutile de vous excuser. Allez droit au but. Ce n’est pas nouveau, Coluche en faisait un sketch il y a plus de 30 ans.
  • Soyez précis dans les demandes de rendez-vous : si vous avez besoin de rencontrer quelqu’un, donnez vos créneaux de disponibilité (au pluriel), de façon précise et en évitant les négations. Par exemple « je suis disponible lundi de 16h à 18h, mercredi de 12h à 16h et vendredi de 9h à 18h » plutôt que « je peux tout le temps sauf lundi, mardi après 12h, mercredi avant 16h, vendredi de 11h à 15h et de 16h30 à 18h, et peut-être jeudi après-midi, sauf si je ne suis pas disponible mardi après-midi ».
  • Relisez vous : comme tout le monde, il m’arrive de faire des fautes à l’occasion. Mais comme la plupart de la population, je ne suis ni aveugle ni daltonien. Aussi il m’est possible de détecter lorsqu’un mot est souligné dans mon traitement de texte. Word, Libre office & Co ne sont pas parfaits, mais permettent de supprimer pas mal de choses.

Donc si vous envoyez un message avec une adresse qui ne permet pas de vous identifier, un nom de fichier sans information, et un message qui ne contient ni bonjour, ni aucun contenu et encore moins d’objet, ne soyez pas particulièrement étonné.e.s de ne recevoir aucune réponse.

 

Pour aller plus loin, cliquez sur ce lien pour accéder à un tableau créé par le Dr Yana Weinstein recensant les choses à faire et à ne pas faire (en anglais).

Si vous trouvez d’autres choses, n’hésitez pas à l’ajouter en commentaire, le billet sera mis à jour.

 

Comment apprendre efficacement ?

Le cerveau droit et le cerveau gauche, les styles d’apprentissage, la mémoire photographique…que de mythes sur l’apprentissage que nous entendons régulièrement chez les étudiants, et malheureusement chez certains enseignants. Le récent
succès médiatique de Céline Alvarez, qui cherche dans les neurosciences et la psychologie des guides pour mieux apprendre montre un certain intérêt pour le sujet.

Mais cet intérêt n’est pas franco-français, et certaines chercheuses et enseignants américaines ont développé un site qui explique aux principaux acteurs (enseignants, parents, apprenants de tous âges) comment apprendre efficacement. L’équipe de Learning Scientists a un formidable blog en anglais, et a récemment sorti 6 posters, à diffuser largement dans toutes les écoles, tous les collèges, lycées et dans les universités de France et de Navarre. J’ai participé à la traduction parce que c’est présenté simplement, qu’il s’agit stratégies vraiment efficace et que cette efficacité est accompagnée d’une source scientifique fiable à chaque fois. Tout ce qu’il faut pour une bonne vulgarisation.

Seule contrainte, ne pas utiliser le matériel dans un but commercial.

Pour télécharger tous les posters en un seul clic, c’est par ici. Et pour partager, c’est autant que vous voulez !

Quand vous l’afficherez dans l’établissement, n’oubliez pas d’envoyer la photo 🙂

 

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Cum hoc sed non propter hoc (bordel !)

Domino_CascadeSi vous avez suivi des études scientifiques, vous avez entendu 100 fois « corrélation-n-est-pas-causalité ». Sinon, voici mon sophisme préféré. Depuis le début du 21ème siècle, la température globale de notre planète augmente (phénomène A). Dans le même temps, ma calvitie progresse (phénomène B). C’est donc ma calvitie qui entraîne le réchauffement climatique ! Ou le réchauffement qui me rend chauve ? Ou un autre phénomène qui explique les deux ? Ou plus probablement, cela n’est qu’une coïncidence.

Plusieurs sites (ici ou ) pourront parfaitement expliquer ce sophisme, notamment la vidéo suivante tirée d’une chaîne Youtube qui se lance et qui semble prometteuse.

Mais attention ! Une corrélation entre deux phénomènes peut aussi vouloir dire…qu’il n’y a pas de rapport. C’est ce que montre l’excellent site de Tyler Vigen, qui s’amuse à montrer l’existence de corrélations entre deux phénomènes qui n’ont pas grand chose à voir, comme l’importation d’huile de Norvège vers les Etats-Unis et les automobilistes tués dans une collision avec un train. Ici, difficile de voir un seul facteur confondant, ou même plusieurs, expliquer ce lien statistique. chart

Pour finir, si vous entendez « Cum hoc ergo propter hoc » ou « Post hoc, ergo propter hoc », vous pourrez donc répondre « Cum hoc sed non propter hoc (bordel !) ».

 

Que fait un prix Nobel quand il s’intéresse à la pédagogie ?

Pratique_d'une_saignée« Une bonne saignée, et ça ira mieux ! », disaient les plus brillants esprits scientifiques et médicaux du monde entier pendant quelques deux millénaires. Et comme « On-A-Toujours-Fait-Comme-Ça », pourquoi changer ? Peut-être car c’est totalement inefficace ?

Cela semble tellement loin, et chacun de nous derrière son écran se sent immunisé contre ce type de raisonnement ou biais cognitif. Si nous suivons la démarche de Carl Wieman, prix Nobel de physique en 2001,  les cours magistraux (lectures dans la langue de Shakespeare), sont l’équivalent pédagogique de la saignée : on a toujours fait comme ça, et cela marche…dans certains cas. Parfaitement décrit dans un article publié sur le site NPR, relayé par le brillant neuroscientifique Renaud La Joie, nous reprenons les principaux éléments ici pour le lecteur francophone.

Le Professeur Wieman fait des cours magistraux old school, où il déverse son savoir sur les étudiants (On-A-Toujours-Fait-Comme-Ça). En testant les étudiants à la fin grâce aux  boîtiers de réponse de son université pour faire des tests 20 minutes après la présentation des notions, il constate un taux de réponse correct de 10%…soit 9 étudiants sur 10 qui n’imprimaient rien (ce calcul a été fait de tête) ! Comme Carl est un scientifique sérieux, quand quelque chose ne marche pas, il cherche mieux. Et découvre la pédagogie active, pas comme une recette ou une croyance miraculeuse, mais en se basant sur des articles scientifiques (ici et pour exemples).

Dès lors, après une rapide information théorique, Carl Wieman donne un problème à résoudre en petit groupe. Cela marche bien mieux (50% de réussite en plus au test). Il en arrive à dire que c’est contre l’éthique d’enseigner façon old school, en professeur magistral qui déverse sa connaissance sur des étudiants passifs.

Plus qu’un problème de budget (les formations ne sont pas parmi les plus onéreuses) ou la volonté de nombre d’enseignants d’améliorer leur pratique, c’est un problème d’habitude pour sortir du paradigme prof qui parle / étudiants qui écoutent. Et d’ignorance des méthodes efficaces. Depuis le réveil de Carl Wieman (prix Nobel), l’Université de Stanford (une des plus prestigieuses au monde), a introduit la pédagogie active dans des cours de mathématiques et de physique (disciplines sérieuses s’il en est). Pour répondre à la question initiale, on dira : il trouve des solutions efficaces et les applique. Et arrête les saignées.